Il faut lutter contre l’érosion du pouvoir d’achat

On peut faire le constat qu’avec la forte hausse de l’inflation de plus en plus de salariés peinent à joindre les deux bouts et il existe un risque pour certaines personnes de basculer dans la pauvreté.

Outre la baisse des salaires réels et la non indexation des rentes, l’augmentation des primes et des loyers aggravent encore la situation. Il faut donc des augmentations de salaires et des rentes, et des aides financières supplémentaires pour faire face à la hausse des primes d’assurance maladie.

 


 

L’année 2022 a été marquée par une poussée de l’inflation dont nous n’avions plus l’habitude pendant les dix dernières années, durant lesquelles il arrivait même que l’indice des prix à la consommation soit négatif. La guerre en Ukraine a déréglé les prix des produits pétroliers et du gaz, entraînant ainsi une forte hausse de ces matières premières. Cette situation couplée à la stimulation importante des économies dans la phase après-COVID créant des perturbations dans les chaînes de production et logistiques en raison d’une demande plus élevée, a déclenché une spirale inflationniste. Notre pays a mieux résisté à l’inflation qu’en Amérique ou dans la zone Euro où l’on a enregistré des chiffres trois fois plus élevés, notamment grâce à la force du franc qui a absorbé la hausse des prix à l’importation et au poids plus faible des dépenses liées à l’énergie dans le calcul de l‘indice des prix.

Inflation : Après les causes, il faut maintenant s’attarder sur les conséquences. En chiffre précis, l’inflation a atteint 2.8% en rythme annuel pour 2022. Cela veut dire que sur les CHF 100.- que nous avions en 2021, CHF 2.80 ont été perdus en 2022 et que la capacité pour acquérir des biens et des services a diminué. En parallèle, le prix de nombreux biens a explosé sur une durée de douze mois. L’énergie 27.9%, les loyers de 5% en Valais, les transports 9.5%, les huiles alimentaires de 26%, le litre de lait drink de 10%, les œufs de 8.5%, etc. Certes une partie de l’augmentation des produits s’explique par la hausse des matières premières et des coûts de transport mais nous ne pouvons pas nous empêcher de penser qu’une partie des entreprises profitent de la hausse des prix et du fait qu’en général, nous avons un bon pouvoir d’achat, pour augmenter leurs marges. Nous soutenons l’idée de créer un observatoire des prix dans la distribution afin d’avoir plus de transparence sur les prix depuis l’achat au producteur jusqu’à la vente au consommateur.

Les augmentations excessives de marges contribuent à créer de l’inflation. A la fin de l’année 2022, Pro Familia et l’assureur Pax ont réalisé un premier baromètre des familles. Sur les 2084 familles sondées, 41% d’entre elles affirment que le revenu du ménage suffit à peine à assumer la vie commune de la famille et 6% supplémentaires ne parviennent pas à joindre les deux bouts. Il faut savoir que le coût de la vie des personnes à faible et moyen revenu s’accroît en réalité beaucoup plus que l’inflation et cela s’explique par le fait que les personnes doivent consacrer une part plus importante de leurs revenus au logement, à l’alimentation et aux transports. Pour les ménages sondés, les trois années à venir seront caractérisées par une détérioration de leur situation et dans ce contexte, elle demande une réduction des primes d’assurance-maladie et un soutien financier.

Salaires réels : Certes, les salaires nominaux augmentent mais pour la troisième année consécutive, nous enregistrons une baisse des salaires réels d’une ampleur inégalée depuis 40 ans en tenant compte du pouvoir d’achat effectif, ce phénomène impacte l’économie et la consommation en particulier. Les salaires réels sont actuellement inférieurs de près de 3% à ceux de 2020 et pourtant l’économie se porte bien et le chômage est à un niveau historiquement bas. Pour 2024, les loyers vont encore augmenter en raison de la hausse du taux de référence de 0.25% ainsi que les taux hypothécaires. Les primes d’assurance maladie vont renchérir de 7% environ. L’électricité va continuer à augmenter ainsi que les transports publics et la TVA de 0.4%. Sans augmentation de salaire, un couple avec deux enfants disposera de Fr. 3'000.00 de moins en 2024 et un retraité, l’équivalent d’une rente mensuelle.

 

Dans ce contexte, le message est clair, les prix augmentent, la productivité du travail aussi, alors que les salaires actuels occasionnent une perte du pouvoir d’achat. Une hausse des prix nécessite un ajustement au moins équivalent des salaires réels. Les employeurs qui ont accordé, peu ou pas d’augmentations durant les années de faible inflation ou d’inflation négative, doivent maintenant se montrer plus généreux et faire en sorte que leurs employés puissent maintenir leur pouvoir d’achat. Il faut donc une augmentation des salaires minimums et des adaptations de salaire qui compensent intégralement la hausse du pouvoir d’achat, ce qui ne fut pas le cas dans la plupart des professions où nous avons négocié pour l’année 2023.

Il convient également de mieux répartir la richesse produite dans l’entreprise car les travailleuses et les travailleurs sont les principaux artisans du succès et ils doivent aussi obtenir une part du gâteau. La compensation des salaires au renchérissement ne devrait pas se discuter ainsi que l’octroi d’une part résultant des gains de productivité. Dès lors, nous serions dans un scénario idéal de participation équitable ce qui n’est pas le cas maintenant. De bonnes augmentations de salaire engendrent des recettes fiscales et des cotisations d’assurance sociale supplémentaires et vont permettre aussi de relancer la consommation. La perte d’attractivité de certaines professions, la demande de main d’œuvre, le manque de relève professionnelle sont des facteurs qui justifient cette revalorisation des salaires.

Primes maladie : Lorsqu’on parle de pouvoir d’achat, on ne peut passer sous silence la problématique de l’explosion des primes maladie. On le sait en Suisse les ménages ont subi une hausse de 145% des primes d’assurance maladie entre 1996 et 2020. Cette explosion des primes dépasse de loin la hausse des salaires et de l’inflation sur la même période. En conséquence, les assurés sont toujours plus nombreux à ne pas pouvoir payer leurs primes. Aujourd’hui pas moins de 37% des ménages en Suisse sont obligés de recourir à l’Etat afin qu’il s’acquitte des primes à leurs places, en tout ou en partie, via des subsides. La conséquence directe de cette explosion des primes c’est qu’entre 1996 et 2020 le nombre de ménages touchant des subsides de l’assurance maladie a doublé en Suisse, tout comme le montant moyen du subside par ménage. L’option logique est celle de fixer les primes à un pourcentage vivable des revenus correspondant à 10% comme le propose l’initiative du parti socialiste, ce qui soulagerait les personnes prises par cette spirale infernale d’explosion des primes. Les ménages modestes payent pour la santé, proportionnellement à leur revenu, deux fois plus que les riches. Les primes ne tiennent pas compte de la capacité réelle des citoyens de les payer et provoquent ainsi le dysfonctionnement du système. Nous pouvons également soutenir l’initiative du Centre qui vise à mettre un frein aux coûts de la santé. Dans l’intervalle, pour soulager les familles, il faut injecter plus de moyens pour réduire les charges liées à l’assurance maladie. Dans un premier temps, les Chambres avaient prévu de faire un bel effort pour soulager la population, puis du rétropédalage avec un montant à disposition quatre fois moins élevé et donc nettement insuffisant. Pour le surplus, étant donné que le prix de l’électricité a tellement augmenté, les collectivités publiques pourraient renoncer momentanément à encaisser les redevances et taxes qui constituent une partie des prix de l’électricité dans le but de décharger quelque peu les consommateurs.

Allocations familiales : En outre, afin d’augmenter le revenu disponible des salariés et des familles, il faut baisser la cotisation des employés pour les allocations familiales. La plupart des caisses d’allocations familiales n’ont pas ajusté le taux de cotisation des employeurs en début d’année, laissant ainsi la charge de l’augmentation, due à la hausse des allocations familiales, aux seuls employés, ce qui est contraire à la loi et à la volonté du législateur. Le fait que les caisses d’allocations familiales n’aient pas augmenté la cotisation des employeurs prouvent que la situation des caisses est saine et qu’une baisse de 0.2% de la cotisation des employés se justifie pleinement. Nous allons écrire au Conseil d’Etat pour demander cette baisse de cotisation pour les employés.

Rentes AVS : Les rentiers sont aussi victimes de l’inflation et malgré l’augmentation de l’indice mixte de 2.5% au 1er janvier 2023, ils souffrent aussi d’une perte du pouvoir d’achat. Or le renchérissement a été de 0.3% supérieur à cette hausse de 2.5%. Ces 0.3% représente une hausse de 25 centimes par jour pour la rente minimum et de 50 centimes pour la rente maximum. La Gauche et le Centre voulaient obtenir cette compensation de 0.3%. Finalement le Parlement n’a pas jugé nécessaire d’agir pour le pouvoir d’achat des rentiers. Toutefois, quelques mois plus tard, la Confédération accorde une garantie de 9 milliards à l’UBS pour réduire les risques encourus par la reprise de certains actifs du Crédit Suisse. Deux poids deux mesures, vous me direz mais surtout un fort sentiment d’injustice vis-à-vis de nos retraités.

En tout état de cause, le problème va se poser pour l’année 2024, où en dépit du renchérissement, les rentes AVS ne seront pas adaptées. En outre, il n’y a aucune obligation d’augmenter les rentes LPP. En période de fort renchérissement, l’indexation doit se faire chaque année et non tous les deux ans selon l’indice mixte et c’est là qu’on attend une intervention parlementaire. Dans tous les conseils de fondation où nous sommes membres, nous allons demander des indexations des rentes LPP, car cela est pour nous inconcevable que les rentiers ne touchent aucune augmentation pour faire face à toutes les hausses de prix invoquées. En outre, nous sommes aussi favorables à exonérer d’impôts, les rentiers AVS et AI au même titre que les prestations complémentaires. Enfin nous soutiendrons l’initiative pour une 13ème rente AVS afin notamment de compenser l’effondrement des rentes du 2ème pilier.

En conclusion, nous sommes conscients des efforts que nous demandons mais nous estimons que cela relève du possible dans un environnement économique favorable. Le but étant aussi de maintenir une cohésion sociale et de laisser le moins de monde possible au bord du chemin.

Intervenants :

Bernard Tissières, Coordinateur SCIV – Le Syndicat

Marcel Bayard, Vice-Président SCIV – Le Syndicat

Johann Tscherrig, Membre du comité directeur Travail.Suisse

Hugo Fasel, Ancien Directeur Caritas Suisse et ancien Conseiller national

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